juste la fin du monde oral bac

Réussirla lecture linéaire La lecture linéaire est une explication de texte d’une vingtaine de lignes à l’oral. La finalité de l’exercice réside dans la compréhension du sens du texte en s’appuyant sur sa logique. : trouver le fil d’Ariane du texte ! Introduction 1° Contextualisation du l’œuvre : auteur, histoire littéraire (contexte historique si besoin). Exemplede réponse type au bac : Difficulté 1. Etudiez la négation dans le verset « Devant un danger extrême, imperceptiblement, sans vouloir faire de bruit ou commettre un geste trop violent qui réveillerait l’ennemi et vous détruirait aussitôt,», Prologue, Juste la fin du monde, Jean-Luc Lagarce Dans ce verset, on trouve plusieurs types de négations lexicales. Piècede théâtre publiée en 1990 par le dramaturge Jean-Luc Lagarce, mort 5 ans plus tard, Juste la fin du monde évoque, entre autres, des thèmes forts comme la solitude, la mort, l’incommunicabilité et la difficulté de retranscrire, notamment à ses proches - par les mots ce que nous avons sur le cœur. LaMaison Tellier, une partie de campagne et autres nouvelles, éd. Présentation d'une oeuvre au programme bac EAF 2022, Juste la fin du monde, Jean-Luc Lagarce. On peut donc entendre ce titre comme un écho à l'expression familière « ce n'est pas la fin du monde ! 1 Histoire littéraire : Le théâtre contemporain, entre renouvellements de la scène et nouveaux langages Tousles outils pour maîtriser la pièce de Jean-Luc Lagarce et le thème " Crise personnelle, crise familiale " , au programme du nouveau Bac français. - Un résumé de la pièce - Site De Rencontre Simple Sans Inscription. Les personnages de la pièce Juste la fin du monde de Jean-Luc Lagarce Introduction Le mystère central de la pièce, c'est bien Louis… Pourquoi est-il parti, pourquoi est-il revenu, pourquoi est-il reparti sans annoncer sa maladie ? Chaque personnage détient une petite clé pour le comprendre les trajectoires personnelles s'inscrivent dans un groupe familial… Ensemble, ils pourront nous aider à compléter le puzzle… Si vous étudiez Juste la fin du Monde, j’ai réalisé toute une série de vidéos sur cette pièce, plusieurs explications linéaires et thématiques, que vous pouvez retrouver uniquement sur mon site www . mediaclasse . fr Suzanne Suzanne a 23 ans pendant que Louis en a 34 s'il est parti vers 17 ans, elle devait en avoir à peu près 6. Ses reproches ont du sens, mais elle ne sait pas grand-chose. Plus proche d'Antoine, elle connaît bien Catherine, elle est même devenue la marraine de leur garçon qui s'appelle Louis. Suzanne, bien sûr, est heureuse de retrouver son frère aîné. Antoine dit qu'elle veut avoir l'air » et qu'elle ressemble à un Épagneul ». L'épagneul, c'est un petit chien de chasse… Dans la comparaison, Louis serait alors un peu à la fois une proie et un maître retrouvé ? La première problématique de Suzanne, c'est le mouvement. On apprend qu'elle aimerait quitter la maison de sa mère. J'habite toujours ici avec elle. Je voudrais partir mais ce n'est guère possible … on doit se résigner. Partie 1, scène 3, Elle est très fière de posséder sa propre automobile, qui représente symboliquement une certaine liberté. Et en cela elle se rapproche un peu de Louis, mais aussi de son père Nous n'étions pas extrêmement riche, non, mais nous avions une voiture et je ne crois pas avoir jamais connu leur père sans une voiture. Partie 1, scène 4, Mais comme la mère refuse de conduire, Suzanne devient son chauffeur. Et les avions et les aéroports que Louis fréquente... Suzanne ne peut que les imaginer depuis la chambre où il a pris son envol, contrairement à elle C'est comme une sorte d'appartement [...] Il y a plus de confort qu'il n'y en a ici bas, non, pas ici-bas », ne te moque pas de moi, Partie 1, scène 3, Paradis perdu, paradis imaginaire ? Le reproche des cartes postales ressemble étrangement aux plaintes des humains devant le silence de Dieu Tu ne nous en donnes pas la preuve, tu ne nous en juges pas dignes. Et nous n'avons aucun droit de te reprocher ton absence. Partie 2, scène 3, La deuxième problématique de Suzanne, c'est que sa position de benjamine la rend en quelque sorte négligeable On ne m'écoute jamais [...] — Je ne sais pas pourquoi je me fatigue — Partie 2, scène 2, C'est comme une sorte de fatalité qui lui est imposée par la mère. Née tard, elle était enfant quand les garçons ne participaient plus aux sorties en famille. Ils allaient chacun de leur côté faire de la bicyclette, chacun pour soi, et nous seulement avec Suzanne cela ne valait plus la peine » Partie 1, scène 4, v. 129-131 On peut même se demander si elle ne tire pas un certain avantage de cette situation. Elle invite même Louis à prendre le relais du rituel rassurant qu'elle a avec Antoine SUZANNE. — En général, [...] à ce moment-là, Antoine me dit "ta gueule Suzanne." Partie 1, scène 7, Antoine décèle bien cet arrangement de Suzanne, qui d'une certaine manière, se sert de l’absence de Louis Tu voulais être malheureuse parce qu'il était loin mais ce n'est pas la raison, [...] tu ne peux pas le rendre responsable [...] c'est juste un arrangement. Intermède, scène 6, Catherine, c'est la femme d'Antoine, la belle-sœur de Louis. Dès les présentations, on perçoit son ambivalence timide mais bavarde, elle parle longuement de ses enfants, mais avec toutes sortes de précautions oratoires.. CATHERINE. — logique ce n'est pas un joli mot pour une chose à l'ordinaire heureuse et solennelle, le baptême des enfants Derrière cette attitude, on comprend vite qu'elle ne pourra pas aider elle parle plutôt de sujets convenus, en utilisant les mots des autres, des vérités générales CATHERINE. — On dit et je ne vais pas les contredire, qu'elle ressemble à Antoine. [...] Nous vous avions envoyé une photographie d'elle — elle est toute petite, toute menue, c'est un bébé, ces idioties ! — et sur la photographie, elle ne ressemble pas à Antoine [...] quand on est si petit on ne ressemble à rien. Partie 1, scène 2, Ensuite, en dehors de cette scène, elle reste en retrait, plutôt silencieuse, elle s’excuse beaucoup et ne prend pas d'initiatives LOUIS. — Vous ne dites rien, on ne vous entend pas. CATHERINE. — Pardon, non, je ne sais pas. Que voulez-vous que je dise ? Partie 1, scène 6, Troisième raison, plus mystérieuse Plusieurs fois, Suzanne suggère qu'elle ressemble à Louis elle raconte les histoires à la place d’Antoine, elle manie le langage. SUZANNE — Cette fille-là, [...] on la suppose fragile et démunie, [...] mais on se trompe, [...] elle sait choisir et décider, [...] Elle énonce bien. Partie 1, scène 7, Dernière raison qui nous confirme qu'elle ne va pas résoudre l'intrigue. Comme elle le dit elle-même, ce n'est pas son rôle. On peut y voir un clin d'œil du dramaturge au spectateur CATHERINE. — Moi, je ne compte pas et je ne rapporterai rien, je suis ainsi, ce n'est pas mon rôle ou pas comme ça, du moins, que je l'imagine. Partie 1, scène 6, La Mère La Mère, 61 ans, c'est le seul personnage sur scène dont on ne connaît pas le prénom elle a vécu le drame familial depuis le début, mais on devine rapidement qu'elle choisit ses souvenirs… J'avais oublié toutes ces autres années. Partie 1, scène 1, Ces autres années », ce sont celles qui ont suivi la mort de son mari, et le départ de Louis. Cet oubli est fondateur, parce qu'il fait des absents les figures les plus importantes. Antoine et Suzanne, à ses yeux, ne sont que les autres ». LA MÈRE. — Je suis ainsi, jamais je n'aurais pu imaginer [...] que la femme de mon autre fils ne connaisse pas mon fils. Partie 1, scène 1, Antoine n'aura donc jamais qu'une place de second. Louis est paisible », tandis que les autres sont brutaux ». Mais aucun de ces adjectif n'est vraiment mélioratif, écoutez LA MÈRE. — Ils sont brutaux, l'ont toujours été [...] et tu resteras calme comme tu appris à l'être par toi-même — ce n'est pas nous [...] qui t'avons appris cette façon si habile et détestable d'être paisible en toutes circonstances, je ne m'en souviens pas ou je ne suis pas responsable. Partie 1, scène 8, On voit bien ici comment l'oubli lui permet de nier ses responsabilités. Elle continue d’ailleurs de faire la même chose avec ses petits enfants, prévoyant leur destin LA MÈRE. — Le même caractère, le même sale mauvais caractère, ils sont les deux mêmes, pareils et obstinés. Comme il est là aujourd'hui, elle sera plus tard. Partie 1, scène 1, C'est peut-être ça qui explique le mieux ce personnage de la mère comme la Pythie antique, elle conduit chacun à son destin, sans s'en rendre compte... Même lorsqu'elle pense conjurer le sort, en réalité, elle le précipite. N'est-ce pas elle-même qui a convaincu Louis de tricher, de mentir ? LA MÈRE. — même si ce n'est pas vrai, un mensonge qu'est-ce que ça fait ? Juste une promesse qu'on fait en sachant par avance qu'on ne la tiendra pas. Partie 1, scène 8, Le frère cadet de Louis, Antoine, a 32 ans, marié avec Catherine, il a deux enfants, une fille de 8 ans, et un fils de 6 ans. Contrairement à Suzanne, on comprend rapidement que le lien avec son frère est rompu Tu te disais que tu devrais bien un jour revenir [...] Tu crois que c'est important pour moi ? Tu te trompes, ce n'est pas important pour moi, cela ne peut plus l'être. Partie 1, scène 11, En racontant leur enfance, Antoine dénonce le chantage affectif de Louis, qui aura provoqué trois choses. D'abord, l’intériorisation j'étais convaincu que tu manquais d'amour ». Ensuite, la culpabilité coupable de n'y croire pas en silence ». Et enfin, ce qu'il appelle céder », devenir raisonnable », l’oubli de soi. ANTOINE. — Je cédais, je t'abandonnais des parts entières, je devais me montrer, le mot qu'on me répète, je devais me montrer raisonnable ». Partie 2, scène 3, Leurs bagarres d'enfant représentent bien cette relation, où la force d'Antoine lui est retournée en silence accusateur ANTOINE. — j'y pense juste à l'instant, ça me vient en tête celui-là se laissait battre, perdait en faisant exprès et se donnait le beau rôle. Partie 2, scène 2, Et finalement, cette absence de Louis, n'est-ce pas justement la même stratégie ? Une défaite, une fuite, tournées en silence accusateur ultime ? Et [...] lorsque tu nous abandonnas, je ne sais plus quel mot définitif tu nous jetas à la tête, je dus encore être le responsable. Partie 1,scène 3, 154-158 Être raisonnable est donc devenu être responsable » qui a d’ailleurs un double sens être coupable, mais aussi, prendre des responsabilités. La mort du père et le départ de Louis ont implicitement reporté sur Antoine un poids que la mère semble ne pas comprendre LA MÈRE. — autre idée qui lui tient à cœur et qu'il répète, ne plus rien devoir. À qui, à quoi ? Je ne sais pas, c'est une phrase qu'il dit parfois. Partie 1, scène 8, Pour Antoine, le départ de Louis est surtout une lâcheté. Lui au contraire, Antoine, met un point d'honneur à être là, ou en tout cas à rester à portée de main comme il dit ANTOINE. — Vous me retrouvez toujours, jamais perdu bien longtemps, [...] On peut me mettre la main dessus. Intermède, scène 8, Et c'est certainement cette attitude que Suzanne décrit comme un petit arrangement » contrairement à Louis, qui a le droit de partir, Antoine préfère donner l'exemple. ANTOINE. — Les gens qui ne disent jamais rien, on croit juste qu'ils veulent entendre, Mais souvent, tu ne sais pas, je me taisais pour donner l'exemple. Partie 1, scène 11, p102. Et en effet, contrairement à Louis, qui est écrivain, Antoine n'est pas dans les mots, il travaille dans une usine d'outillage, il se méfie des histoires Des histoires et rien d'autre. [...] Tu m'as vu et tu ne sais pas comment m'attraper, comment me prendre » - vous dites toujours ça, [...] c'est une méthode, c'est juste une technique pour noyer les animaux Partie 1, scène 11, Antoine est donc exactement comme le spectateur réticent, dans l'ère du soupçon, très utile au dramaturge pour mettre en cause l'illusion théâtrale et le personnage tragique ANTOINE. — Des histoires. [...] Et moi, [...] je ne saurai jamais ce qui est vrai et ce qui est faux, la part du mensonge. Partie 1, scène 11, Louis a 34 ans. Dans la pièce, c'est le seul à avoir de vrais monologues, qui nous donnent accès à ses pensées, un peu comme la focalisation interne dans le roman. Mais on est au théâtre… Et donc se pose la question de savoir à quel point Louis ignore le public… Trahit-il ses pensées, ou bien choisit-il ce qu'il nous révèle ? Et c’est bien là le cœur de la pièce le jugement de Louis. Est-ce que ses intentions sont pures ? Pourquoi est-il parti, revenu, reparti sans rien dire ? Est-ce par courage lâcheté, tendresse, culpabilité, égoïsme ? D'abord, force est de constater qu'il ne montre pas de signes d'affection. Suzanne est la plus sensible à ces défauts son propre frère, il ne l'embrasse pas. ». Dans l'épisode des cartes postales, elle démontre bien leur côté impersonnel. Et cette indifférence se confirme par de petits indices. Louis se trompe et appelle ses neveux filleuls »… Il ne connaît rien du métier d'Antoine, ou encore dans l'épilogue, il choisit symboliquement d'éviter les méandres de la route il préfère ne croiser personne. C'est un personnage avant tout solitaire. Mais en plus, on pourrait dire qu'il tire un intérêt du fait d'être lointain cela le rend désirable, comme le dit Antoine. Il reste le centre de l'attention. Suzanne dit qu'on peut le qualifier d'homme habile, "plein d'une certaine habileté" » On peut donc se demander à quel point c’est intentionnel. Il y a d'abord les petits reproches détournés, comme lorsqu’il accuse son frère d’être, non pas méchant, mais déplaisant. Autre exemple, au moment de son départ, il utilise l'expression joindre l'utile à l'agréable ». N'est-ce pas pour mieux piéger Antoine ? ANTOINE. — C'est cela, voilà, exactement, comment est-ce qu'on dit ? d'une pierre deux coups ». SUZANNE — Ce que tu peux être désagréable, [...] ce n'est pas imaginable. Partie 2, scène 2, On peut penser que c'est juste une expression malheureuse, mais Louis a déjà déclaré lui-même son intention LOUIS. — Il semble vouloir me faire déguerpir[...]. Il ne me retient pas, et sans le lui dire, j'ose l'en accuser. Et pourtant, on peut quand même se demander si Louis ne s'accuse pas un peu trop lui-même, par culpabilité, par haine de soi ? Il compare ses abandons à des meurtres Je vous tue les uns après les autres, vous ne le savez pas et je suis l'unique survivant, je mourrai le dernier. Partie 1, scène 10, Donc dans un deuxième temps, on peut essayer de lui trouver des circonstances atténuantes. La première chose qui suscite notre empathie, c'est sa maladie, la mort prochaine. C'est un personnage en pleine crise existentielle Comme l'Étranger de Camus, condamné à mort, il se confronte à l'absurdité de la vie Je suis un étranger. Je me protège. [...] Je ne crois en rien [...] Ce à quoi bon » rabatteur de la Mort — elle m'avait enfin retrouvé sans m'avoir cherché. Partie 1, scène 10, Deuxième circonstance atténuante la mort de son père quand il était adolescent. Ce n’est pas explicite, mais ça pourrait bien expliquer cette conviction qu'un jour ou l'autre on ne l'aime plus ». Il préfère donc abandonner les autres plutôt que d’être lui-même abandonné On les observe et on ne les aime pas beaucoup, les aimer trop rendrait triste et amer et ce ne doit pas être la règle. Partie 1, scène 10, Et comme conséquence de la mort du père, aussi, l’importance que prend son rôle de frère aîné. On le découvre dès la première scène, c'est une tradition familiale le premier héritier mâle prend le prénom du père. En partant, Louis reporte ce poids sur son frère cadet. Dernier élément qui joue un rôle dans ce schéma l'homosexualité supposée de Louis, qui est plus explicite dans le film de Xavier Dolan. On devine que cela bouleverse l'ordre traditionnel, la continuité de la lignée. Dans la pièce, on peut trouver plusieurs indices de cette homosexualité supposée Catherine insiste sur l'idée que Louis n'aura pas d'enfants, et Antoine fait aussi allusion aux hommes et aux femmes avec lesquels du dois vivre depuis que tu nous as quittés. » Louis le dit lui-même la pire des choses serait que je sois amoureux » ce qui laisse entendre que sa famille ne l'accepterait probablement pas. Alors, innocent, coupable Louis ? Et si ce procès qu'on lui fait constamment, c'était au fond celui du Héros tragique ? Plusieurs fois, on constate que la mort et le mystère qui planent sur lui suscitent la terreur et la pitié, et c'est cela qui le rend si fascinant La Mort prochaine et moi nous sommes élégants et désinvoltes … nous pourrions les séduire. Partie 1, scène 10, Plusieurs fois, ce rôle de l'homme malheureux ou faussement fragile est comparé à une tricherie, ou à un masque, qui cache la réalité intérieure du personnage. Tout ton soi-disant malheur n'est qu'une façon [...] que tu as et que tu as toujours eue de tricher, [...] d'être là devant les autres et de ne pas les laisser entrer. C'est ta manière à toi, ton allure, le malheur sur le visage comme d'autres un air de crétinerie satisfaite, tu as choisi ça et cela t'a servi et tu l'as conservé. Partie 2, scène 11, Personnage de tragédie, mais aussi personnage de comédie, Louis tient du Misanthrope, rêvant d’exil. Et il tient aussi Tartuffe incarnant la bonté même, il triche flatte ses ennemis pour mieux paraître inoffensif… Et enfin, peut-être, malade imaginaire qu'est-ce qui nous prouve qu'il est vraiment mourant, qu'il est vraiment mort ? La comédie menace sans cesse le sérieux de la tragédie. Mais Louis déborde parfois son rôle d'acteur pour devenir metteur en scène ou même écrivain, puisque c'est son métier. Par exemple, il rêve d'écrire les tirades des autres On voudrait commander, régir, profiter médiocrement de leur désarroi et les mener encore un peu. On voudrait [...] leur faire dire des bêtises définitives. Partie 1, scène 10, Mais une chose distingue bien Louis de Lagarce lui-même au fond, il n’écrit pas, et on pourrait même dire, il ne crie pas. Et si les pièces de Lagarce étaient justement ce cri poussé ? Je devrais pousser un grand et beau cri, [...] hurler une bonne fois, mais je ne le fais pas, je ne l'ai pas fait. Partie 2, scène 3, L’écrivain est toujours un peu un démiurge. S'il meurt, que deviendront son monde et ses personnages ? LOUIS. — Au début, ce que l'on croit [...] c'est que le reste du monde [...] pourrait disparaître avec soi, [...] m'accompagner et ne plus jamais revenir. Que je les emporte et que je ne sois pas seul. Partie 2, scène 3, Soutenez le site et accédez au contenu complet. ⇨ Lagarce, Juste la fin du monde 🎞️ Les personnages diaporama de la vidéo ⇨ Lagarce, Juste la fin du monde 🧠 Les personnages texte de la vidéo au format PDF ⇨ Lagarce, Juste la fin du Monde 🎧 Les personnages de la pièce analyse et citations podcast CorrigéIntroductionSelon le critique Jacques Morel, le héros tragique entend s'affirmer dans le présent d'une action, fût-elle désespérée. Il n'existe que dans la mesure où il refuse d'être condamné seulement parce qu'il est homme, et veut mériter sa mort ou sa grâce par un acte libre » La Tragédie. Parce qu'il affirme dans le prologue vouloir paraître pouvoir là encore décider » et se donner l'illusion d'être responsable de [lui]-même et d'être […] [s]on propre maître » alors qu'il se sait condamné, Louis peut apparaître comme un héros tragique à la veille de sa mort, il s'obstine à essayer de renouer les liens avec sa famille. Mais ce qui advient dans cette pièce n'a cependant rien d'une tragédie personnages, actions, lieu, situations ne sont pas ceux de ce genre dramatique. Louis peut-il encore de ce fait être considéré comme un héros tragique ? Du héros tragique, Louis possède à la fois le destin funeste et l'absence d'espoir. L'histoire dans laquelle il évolue n'est pourtant que celle d'une famille comme les autres. Néanmoins, par l'émotion qu'il provoque, par l'angoisse et le désespoir qui l'étreignent, Louis porte indéniablement en lui une part de lutte sans espoirUn héros condamnéComme les héros tragiques, Louis est par avance condamné. Il sait qu'il n'y aura pas d'autre issue pour lui que la mort. Il ne cherche pas à s'y dérober, à se leurrer mais au contraire à reprendre une certaine maîtrise du cours de sa vie en projetant d'annoncer la nouvelle à ses proches dire, / seulement dire, / ma mort prochaine et irrémédiable, / l'annoncer moi-même, en être l'unique messager » prologue. Se faire le messager de sa disparition à venir c'est, par le langage, regarder la mort en face et la dépouiller de son pouvoir de terreur. Mais ce n'est en aucun cas la contrer et l'épilogue s'ouvre sur ces mots de Louis Je meurs quelques mois plus tard, / une année tout au plus ».Une histoire déjà écriteTout comme il se sait condamné, Louis n'ignore pas qu'il se lance, en revenant dans la maison familiale, dans une cause perdue, car tout est déjà joué d'avance c'est exactement ainsi, / lorsque j'y réfléchis, / que j'avais imaginé les choses, / vers la fin de la journée, / sans avoir rien dit de ce qui me tenait à cœur / […] je repris la route » partie 2, sc. 1. Il ne peut alors qu'observer les choses se dérouler de la façon dont il l'avait prévue, vérifier ses hypothèses, se laisser entraîner à inventer ce qui aurait pu être On les devine par avance, / on s'amuse, je m'amusais, / on les organise et on fait et on refait l'ordre de leurs vies » partie 1, sc. 10.Comme le héros tragique, Louis ne peut ni échapper à une fin funeste ni changer le cours des choses. Mais à la différence de lui, il n'est confronté qu'à de simples événements simple histoire de familleLa banalité du quotidienJuste la fin du monde ne met en scène que la banalité du quotidien familial. Les personnages racontent des anecdotes qui ressemblent à celles de nombreuses autres familles. La mère rappelle ainsi à ses enfants les habituelles promenades dominicales avec leur père Pas un dimanche où on ne sortait pas, comme un rite, / je disais cela, un rite, / une habitude » partie 1, sc. 4. Elle se complaît à donner des détails d'une trivialité bien éloignée de la tragédie, comme lorsqu'elle décrit la façon qu'avait le père de laver sa voiture Le matin du dimanche, il la lavait, il l'astiquait, un maniaque, / cela lui prenait deux heures » partie 1, sc. 4. Par cette description des petites choses de la vie, corollaire de l'absence de toute transcendance dans cette pièce, Juste la fin du monde se trouve très éloignée de la sempiternelles disputes familialesDe même, les seules actions qui ponctuent la pièce sont des disputes familiales, celles qui durent et se renouvellent entre les membres de la famille depuis des années et d'autres, qui surgissent tout à coup. Le retour de Louis provoque en effet plusieurs brouilles entre Antoine et Suzanne qui rythment la pièce, Antoine accusant sa sœur de se retourner contre lui depuis que Louis est arrivé Toute la journée tu t'es mise avec lui, / tu ne le connais pas » partie 2, sc. 2. Antoine s'en prend aussi à Louis, n'hésitant pas à le singer dans la scène 9 de la première partie, ce qui l'amène à répliquer Tu te payais ma tête, tu essayais ». Autant de chamailleries ordinaires et insignifiantes en comparaison des grandes altercations de la tragédie. Alors que par le prosaïsme de l'histoire qu'elle représente, cette pièce s'oppose en tous points à une tragédie, Louis s'affirme comme un personnage tragique par la détresse qui l'habite et l'émotion qu'il suscite chez le désarroi tragiqueL'incommunicabilité entre les êtresConfronté à l'impossibilité de nouer un dialogue avec ses proches, Louis exprime une angoisse poignante dont l'intermède donne toute la mesure. Le découragement qu'il éprouve se traduit par l'image d'une maison aux dimensions démesurées dans mon rêve encore, toutes les pièces de la maison étaient loin les unes des autres, / et jamais je ne pouvais les atteindre ». Cette maison aux pièces inatteignables traduit l'impression éprouvée par Louis de ne jamais pouvoir se rapprocher des siens. Ces dialogues impossibles exacerbent son sentiment de solitude C'est comme la nuit en pleine journée, on ne voit rien, j'entends juste les bruits, j'écoute, je suis perdu et je ne retrouve personne ». L'égarement de Louis, la sensation d'être éloigné de tous et de tout sont portés au même paroxysme que la solitude du héros de la mortC'est aussi le désespoir qui perce chez Louis lorsqu'il évoque sa propre mort — inexorable et de plus en plus proche — qui fait de lui un personnage saisissant. Désespoir parfois mâtiné de révolte et d'ironie comme dans la scène 10 de la première partie, mais qui dissimulent mal le désir lancinant de s'en sortir, malgré tout Tous les agonisants ont ces prétentions […] / donner de grands coups d'aile imbéciles, / errer, perdu déjà et / croire disparaître, / courir devant la Mort, prétendre la semer ». C'est ce réflexe de peur et de désespoir d'un homme face à la mort qui n'attend rien d'un quelconque dieu ni quelconque au-delà, auquel s'oppose la volonté de continuer à vivre, la force de narguer encore la camarde qui, bouleversant le spectateur, le hisse au rang de personnage tragique La Mort prochaine et moi, / […] nous nous promenons, / nous marchons la nuit dans les rues désertes légèrement embrumées et nous nous plaisons beaucoup. / Nous sommes élégants et désinvoltes. »ConclusionSi, comme le héros tragique, Louis décide d'agir encore, alors même qu'il se sait condamné et qu'il n'ignore pas que tout est déjà écrit, il n'est certes pas le héros d'une tragédie, n'ayant à affronter à son retour dans la maison familiale que les mêmes éternelles disputes, les mêmes éternelles histoires, mille fois déjà ressassées. Mais lorsque Louis, aux prises avec la solitude et la mort à l'œuvre, laisse entendre la terreur qui l'étreint, il acquiert une véritable stature tragique son visage vulnérable et abandonné devient celui de l'humanité tout entière et cet ultime cri — de joie, de vie — qu'il n'aura pas poussé ne peut que rappeler aux êtres humains le silence inéluctable qui les guette. PODCAST. Lors de votre oral de français au bac, vous devrez présenter une œuvre littéraire. L’Étudiant fait le tour des œuvres au programme et de ce qu’il faut en retenir. Retrouvez tous les conseils de professeurs et tous les points-clés à ne pas manquer pour bien présenter l'œuvre le jour de votre oral de français. L’Étudiant vous accompagne dans votre préparation du bac de français en examinant les œuvres au programme de l’année de première. Dans cet article et ce podcast, Anne-Laure July, professeure de français au lycée Alain Borne de Montélimar 26 et Sonia Arbaretaz, professeure de français au lycée Fénelon Sainte-Marie de Paris 75, nous aident à analyser "Juste la fin du monde" de Jean-Luc Lagarce pour en faire la meilleure des présentations le jour de l'oral de français. L’oral de français du bac se déroule en deux parties une sur un texte étudié en classe et l'autre, sur une œuvre littéraire que vous aurez choisie. Vous pouvez la sélectionner dans la liste des œuvres au programme ou dans la liste complémentaire proposée par votre professeur."Juste la fin du monde" au bac une œuvre sur le sida, un tabou en 1990Cette pièce de théâtre est écrite en 1990, durant les "années sida". Pour bien présenter cette œuvre, il faut se replonger dans cette époque où conseille la professeure. D’ailleurs, la pièce est d’abord refusée par tous les comités de lecture et elle ne sera montée qu’en 1999."la séropositivité et l’homosexualité sont encore des sujets dérangeants", L’intrigue prend donc place dans ce contexte de non-dits et, justement, la parole n’est pas encore libérée comme elle peut sembler l’être aujourd’hui. "résume l’enseignante. Chaque personnage se reprend sans cesse, en essayant de chercher le mot juste. Et le lecteur est finalement témoin d’un échec de la attendons l’aveu du personnage principal pendant toute la pièce. Mais il ne vient jamais", L’enseignante vous conseille de regarder quelques extraits de mise en scène ou d’adaptation de la pièce pour mieux comprendre cet aspect. Par exemple, les lectures du Théâtre à la table de la Comédie-Française de novembre 2020 ou encore l’adaptation de la pièce en film, réalisée par Xavier Dolan, en pièce de Jean-Luc Lagarce à caractère autobiographique qu’il faut s’approprierSans être totalement autobiographique, Jean-Luc Lagarce parle aussi de son histoire dans cette œuvre. À la fin, le personnage de Louis regrette de ne pas avoir poussé "un grand et beau cri". appuie Anne-Laure July. "Il faut comprendre que c’est Jean-Luc Lagarce qui pense derrière Louis", Je pense que c’est une bonne idée de choisir un personnage et puis de l’approfondir dans l’analyse". Juste la fin du monde de Jean-Luc Lagarce Explication linéaire du Prologue Introduction Une des premières choses qu’on se demande quand on découvre Juste la fin du monde de Jean-Luc Lagarce, c’est à quel point l’auteur y a mis sa propre vie, et notamment le fait qu’il se sait condamné à cause du Sida, dès 1988. Il en meurt effectivement quelques années plus tard, en 1995. Mais quand on lit la pièce, et quand on regarde les différentes mises en scènes, on se dit que oui d’une certaine manière, l’auteur a mis quelque chose de lui-même dans l’écriture, mais pas forcément comme on pourrait s’y attendre. Alors c’est vrai que le personnage principal, Louis, se dit écrivain, et malade, et il veut annoncer sa mort prochaine à sa famille. Mais dès ses premières paroles dans le prologue, on voit bien que quelque chose ne sonne pas juste, que ce qu’il dit, ce ne sont pas de vraies confidences. Et c’est certainement ce que veut faire Lagarce créer avant tout un personnage de théâtre, qui va nous intriguer et brouiller les pistes… Où sont ses liens affectifs avec sa famille ? Quelles sont ses véritables motivations ? À quel point dit-il ou cache-t-il la vérité ? Et donc, plus qu'une référence autobiographique, la dimension tragique du personnage va surtout lui servir de prétexte pour nous montrer un théâtre conscient de lui-même, aux interprétations multiples ; et surtout, une parole qui révèle nos fragilités, nos incertitudes, nos difficultés à dire et à entendre… Comment ce prologue fait basculer l’intrigue théâtrale, d’un destin annoncé, aux enjeux de la parole ? Je vais annoncer les mouvements et citer le texte très clairement au fur et à mesure, pour que vous puissiez bien suivre. Pour retrouver tous mes documents et toutes mes vidéos sur cette œuvre, rendez-vous sur mon site www . mediaclasse . fr Premier mouvement Les déclarations d'un homme déjà mort Le premier mouvement, on pourrait l’appeler les déclarations d’un homme déjà mort, parce que Louis répète comme un refrain l'année d'après » entre chacune de ses révélations, comme si cette fameuse année était déjà écoulée… Or une année » c'est justement le temps qui sépare Louis de sa propre mort Plus tard, l'année d'après, j'allais mourir à mon tour ». Le futur proche je vais mourir » est reporté dans le passé j'allais mourir » il laisse donc entendre que sa mort appartient au passé. Dans ce cas, la pièce entière ne serait en fait qu’un flash back. En français, une analepse, un retour dans le passé. Avant même ses premiers mots, les didascalies jouent aussi avec les repères temporels, écoutez Cela se passe dans la maison de la Mère et de Suzanne, un dimanche, évidemment, ou bien durant près d'une année entière. » Que signifie cette drôle d'alternative ? Si le dimanche évoque le déjeuner dominical traditionnel, on voit mal comment cela pourrait se dérouler pendant une année entière… À moins que toute la pièce ne soit en fait qu’un ressassement de Louis attendant sa mort… Ensuite, ça se précise, le présent est rattrapé par le futur écoutez j'ai près de 34 ans maintenant et c'est à cet âge que je mourrai. » Comme s'il revenait d’outre-tombe pour parler de lui-même avant que sa mort ne survienne… Donner la parole comme ça à un mort, c'est ce qu'on appelle une prosopopée. Drôle de fantôme qui vient nous raconter sa propre mort… On peut se demander à quel point ce personnage est fiable… Il avoue lui-même qu'il triche » de nombreux mois que j'attendais à ne rien faire, à tricher, à ne plus savoir ». Ce verbe, tricher évoque le jeu de cartes, d'échecs, mais aussi, le jeu d'acteur. On sait que le théâtre a pour coutume de démasquer les tricheurs, les tartuffes… C'est une interprétation qui est d'ailleurs retenue dans la mise en scène de François Berreur manifestement, l'acteur n'a pas 34 ans, son jeu très déclamatoire nous invite à refuser l'illusion théâtrale En tant que spectateur, je n’arrive pas à croire au présent du théâtre non, ça ne se passe pas là, devant moi, en ce moment. [...] Je n’aime pas les acteurs qui [feignent] de ne pas savoir comment l’histoire va finir. Jean-Luc Lagarce, Entretien pour Lucien Attoun, Vivre le théâtre et sa vie », 16 juin 1995. Mais une dernière interprétation permet de rationaliser tout ça peut-être après tout que le personnage se dit déjà mort, d'un point de vue symbolique de nombreux mois que j'attendais à ne rien faire, à tricher, à ne plus savoir, de nombreux mois que j'attendais d'en avoir fini ». L'attente qu'il endure est comme un séjour dans les limbes, un entre-deux où l'âme erre, sans rien faire, sans savoir, et en trichant, c'est-à-dire, sans accepter ses propres fautes… Le passage dans la mort, c'est aussi le moment où l'âme est pesée, évaluée… Ce qui rappelle le plus ancien rôle de la tragédie tout personnage tragique est à la fois un peu coupable, et un peu innocent, et c'est au spectateur d'en juger… Quand on en arrive là, une expression vient relier tout ce qu'on vient de dire, et cette expression c'est à mon tour » Plus tard, l'année d'après, j'allais mourir à mon tour ». On peut le lire de trois manières différentes… À mon tour » comme son père qui est certainement déjà mort, absent tout au long de la pièce. En tout cas, le poids du passé familial explique probablement le départ de Louis, la rupture de la communication entre les différents personnages. À mon tour » comme les Héros de tragédie, qui meurent aussi, écrasés par leur destin. Il serait lui aussi le jouet des dieux… À mon tour » enfin, comme n'importe quel être humain, ramené à sa condition de mortel… C'est le motif très célèbre du Memento mori, en latin souviens-toi que tu vas mourir ». La conscience de la vanité de la vie nous guérirait de l'orgueil et de la démesure. Mais ici, Lagarce l'inscrit dans la perspective plus moderne des littératures de l'absurde prendre conscience de sa propre mort, c'est entrer dans le non-sens, devenir étranger au monde… Et ici, avec cette réplique étrange j'attendais d'en avoir fini » on entend certainement les premiers mots d'une pièce très célèbre du théâtre de l'absurde, Fin de Partie, de Samuel Beckett CLOV regard fixe, voix blanche. — Fini, c'est fini, ça va finir, ça va peut-être finir. Un temps. Les grains s'ajoutent aux grains, un à un, et un jour, soudain, c'est un tas, un petit tas, l'impossible mouvement Les dangers de prendre la parole Le deuxième mouvement, on pourrait l'appeler Le danger de prendre la parole, parce que dans ce passage, la parole est reportée, avec des CC imbriqués. C'est d'ailleurs justement le rôle du prologue, étymologiquement, qui précède le discours comme on ose bouger parfois, à peine, devant un danger extrême, imperceptiblement, sans vouloir faire de bruit ou commettre un geste trop violent qui réveillerait l’ennemi et vous détruirait aussitôt, Cette liaison comme on–ose bouger parfois » nous laisse entendre la négation à l'oral, qui inverse complètement le sens de la phrase a-t-il osé bouger, rejoindre sa famille ? Peut-être qu'il se contente de ressasser des dialogues qui pourraient avoir lieu… En tout cas, l'action ne progresse pas vraiment ici, puisque le geste est avant tout un bruit sonore comme une parole. Sans cesse chez Louis, le langage prend le pas sur l'action le fait d'oser bouger est surtout d'abord, un message, un aveu… À peine » c'est-à-dire un tout petit peu… Mais on entend aussi avec peine » avec difficulté, douleur. Le vers libre avec ses passages à la ligne semble bien attirer notre attention sur la polysémie, la variété de sens du mot. Et comment ne pas penser aussi à la peine de mort » qui rapproche le personnage d'un Héros tragique, puni pour quelque chose d'obscur… Alors que, spontanément, on aurait tendance à plaindre ce personnage, nous sommes aussi amenés à nous interroger sur la pureté de ses intentions pour quelle raison se donnerait-il cette peine de retourner sur ses pas, avec toutes ces précautions ? Le mystère est renforcé par la présence de cette étrange créature, cet ennemi qui pourrait se réveiller et le détruire… Chez Baudelaire, on se souvient l'ennemi, c'est le temps, et bien sûr, cela pourrait être le temps qui lui reste à vivre… Mais Lagarce opère justement un glissement de sens Louis ne craint pas de mourir, il a surtout peur de la parole, écoutez l’année d’après, malgré tout, la peur, prenant ce risque et sans espoir jamais de survivre, malgré tout, l’année d’après, Normalement, le danger extrême implique d'être blessé, ou tué. Mais là, on le sait d'emblée sans espoir jamais de survivre ». On est donc obligés de se demander ce que recouvre ce verbe l'ennemi vous détruirait aussitôt » n'est-ce pas plutôt un risque symbolique ? Que représente ce malgré tout » qui annonce des péripéties mystérieuses ? Peur de décevoir, d'être piégé par ses propres mensonges ? D'ailleurs cette idée de Louis qu'il est pris au piège, cerné par un ennemi mystérieux, se retrouve bien dans le chiasme, la structure en miroir, qui correspond aussi au schéma de la pièce prologue, première partie, intermède, deuxième partie, épilogue… Cet effet de boucle semble déjà préparer la fin de la pièce. Traditionnellement, celui qui prend le risque, celui qui va affronter un danger extrême, bien sûr, c'est le Héros. Mais c'est pourtant ici un héroïsme paradoxal... sans vouloir faire de bruit ou commettre un geste trop violent ». Pourquoi ? pour éviter d'être attaqué, ou au contraire, pour éviter d'effaroucher sa proie ? Prédateur ou victime, le rôle de Louis est sans cesse ambivalent. Le spectateur doit donc sans cesse éviter d'être happé par le point de vue de Louis, qui passe discrètement de la première personne je mourrai », au pronom indéfini on ose bouger », et à la 2e personne l'ennemi vous détruirait aussitôt ». Avec en plus des marques de subjectivité très fortes la volonté oser … vouloir » les émotions peur ... espoir » etc. Dans un roman, on serait en focalisation interne toutes les marques de subjectivité se rapportent à un même personnage... Et c'est là un des tours de force du théâtre de Lagarce cette capacité à donner au théâtre des lignes de force du roman ou de la poésie. Troisième mouvement Le basculement dans la parole Ce troisième mouvement, on pourrait l'appeler Le basculement dans la parole, parce que les verbes d'action décider … retourner … revenir … aller … faire le voyage » font place finalement à des verbes de parole annoncer, dire, seulement dire … être le messager. » Écoutez comment Louis n'arrête pas de se reprendre, de préciser sa pensée malgré tout, l'année d'après, je décidai de retourner les voir, revenir sur mes pas, aller sur mes traces et faire le voyage » c'est ce qu'on appelle une épanorthose reformuler pour mieux dire. Alors qu'il annonce son voyage, il est immobile sur scène, et c'est en fait sa parole qui est en mouvement, qui ne cesse de revenir sur ses pas. Et ensuite, cette figure de l'épanorthose, qu'on va retrouver dans toute la pièce, prend des proportions extraordinaires pour annoncer, lentement, avec soin, avec soin et précision — ce que je crois — lentement, calmement, d'une manière posée ». C'est frappant, parce qu'il reformule justement l'idée même d'élaborer son message avec soin. Ici l'épanorthose commente l'épanorthose. Revenir sur mes traces » c'est le lexique de l'enquête policière. Que représentent ces traces, ces pas ? Est-ce qu'il s'agit de recueillir des indices, ou au contraire, d'effacer des preuves ? C'est un cliché du roman noir le coupable ne prendrait pas moins de soin pour revenir sur les lieux de son crime… Dans la mythologie antique, le grand enquêteur, c'est Oedipe, qui revient sur ses pas alors même qu'il croit au contraire s'éloigner de ses parents, et qui, justement par ce voyage, devient le coupable qu'il recherche celui qui provoque la grande peste de Thèbes. Pour lui, c'est aussi une question d'identité n'ai-je pas toujours été pour les autres et pour eux, tout précisément, n'ai-je pas toujours été un homme posé ? » La question rhétorique attend une réponse implicite, et pourtant, rien n'est moins sûr ici… Comme Oedipe, il se trompe sur son identité et on verra que sa sœur Suzanne le voit au contraire comme un voyageur, en taxi, toujours entre deux aéroports. D'ailleurs, les membres de la famille ne sont présents qu'à travers le groupe, retourner les voir, pour les autres et pour eux » et ils disparaissent complètement à la fin du mouvement Pour dire, seulement dire, ma mort prochaine et irrémédiable, l'annoncer moi-même, en être l'unique messager » alors qu'on attendrait pour leur dire » au contraire ici, pas de destinataire. Un peu comme deux versions de lui-même, Louis se dédouble ici le narrateur du futur raconte sa démarche du passé. D'abord avec le passé simple je décidai de retourner les voir » on dirait la première phrase d'un roman. Puis, l'incise entre tirets — ce que je crois — » qui semble confirmer que le Louis du futur sait déjà que rien ne va se passer comme prévu. C'est aussi ce qu'on appelle une prolepse une allusion à la suite du récit. Le prologue est d'ailleurs à l'image de la pièce entière comme un long souffle qui n'en finit pas de se prolonger. Même le point d'interrogation ne termine pas la phrase, puisqu'il est suivi par une virgule point d'interrogation virgule, c'est très original ! Avec cette longue phrase, Lagarce nous montre à quel point son théâtre est conscient de ses effets. Quatrième mouvement Les mécanismes de l'illusion Le quatrième mouvement, on pourrait l'appeler Les mécanismes de l'illusion, parce que ce mot paraître » guide toute la fin du discours de Louis, et révèle toute une série d'illusions avant de rimer avec le dernier mot du passage être mon propre maître ». La première illusion, c'est bien son projet lui-même. Bien sûr, il est très assertif j'ai toujours voulu, voulu et décidé » et les CC sont catégoriques ce que j'ai toujours voulu … en toutes circonstances et depuis le plus loin que j'ose me souvenir »… Mais tout de suite plein d'éléments viennent annuler cette volonté. Les modalisations et paraître — peut-être ce que j'ai toujours voulu » avec les infinitifs qui se succèdent et paraître pouvoir là encore décider ». Aucun de ces verbes n'est conjugé, c'est à dire qu'aucun n'est vraiment réalisé dans le discours. La deuxième illusion, c'est que le mensonge s'adresse d'abord à lui-même. Il se cite toujours en premier me donner et donner aux autres » revient deux fois me donner et donner aux autres une dernière fois l'illusion d'être responsable de moi-même ». C'est lui-même qu'il veut d'abord persuader de son impuissance. Et en se disant irresponsable, d'une certaine manière, il clame son innocence. Car au fond, il ne cesse de se défausser donner l'illusion d'être responsable… Mais ce jeu d'illusion se retourne contre lui-même quand on restitue la phrase entière je parais donner l'illusion d'être responsable ». C'est à dire je fais semblant de faire semblant il est donc moins dupe qu'il ne le dit. Héros tragique, il insiste beaucoup sur les forces qui le dépassent, mais c'est peut-être pour mieux cacher sa propre part de responsabilité, sa complaisance dans cette excuse qui le déresponsabilise. Une autre faille de son discours, et qui confirme bien sa responsabilité le plus loin que j’ose me souvenir ». L'oubli a quelque chose de volontaire que cache ce passé qu'il fait semblant d'avoir oublié ? La mort de son père, son homosexualité, une partie de son enfance refoulée ? Autant de sujets qui n'apparaissent que de façon subliminale dans la pièce. Et donc la dernière illusion, celle qui vient recouvrir toutes les autres, c'est bien celle du théâtre on le perçoit notamment à travers la répétition du verbe donner » me donner et donner aux autres une dernière fois l'illusion » comme on donne une représentation. Louis se compare à un acteur qui n'est pas son propre maître » sous-entendu, il n'est ni dramaturge, ni metteur en scène. Et pourtant, n'est-il pas aussi écrivain ? Et est-ce qu'il ne met pas sans cesse sa propre parole en scène ? L'adresse au public confirme cette mise en abyme du théâtre me donner et donner aux autres‚ et à eux‚ tout précisément‚ toi‚ vous‚ elle‚ ceux-là encore que je ne connais pas trop tard, et tant pis » comme si le quatrième mur invisible, celui qui sépare la scène et la salle, venait de s'écrouler. Or l'ironie de cette dernière illusion c'est que finalement, Louis ne sera ni acteur, ni dramaturge, ni metteur en scène il sera obligé d'écouter un par un tous les membres de sa famille, c'est à dire qu'il sera comme nous, spectateur des reproches, et peut-être en mesure de juger ses propres actes. Conclusion Merci à Nicolas Auffray pour ses pistes d'analyse précieuses ! Dans ce long monologue qui précède le début de la pièce, on devine que la posture tragique de Louis cache en fait une autre tragédie la tragédie de la parole et du silence. S'il y a une énigme qui attire et intrigue le spectateur, ce n'est pas tant la mort annoncée de Louis, que ces zones d'ombre, ce mélange de culpabilité et d'innocence qui va nous tenir en haleine tout au long de la pièce. ⇨ Lagarce, Juste la fin du monde 🔎 Explication linéaire du Prologue au format PDF ⇨ Outil support pour réaliser un commentaire composé. ⇨ Lagarce, Juste la fin du monde 🃏 Prologue axes de lecture ⇨ Lagarce, Juste la fin du monde - prologue texte ⇨ Lagarce, Juste la Fin du Monde 🎧 Prologue explication linéaire podcast JoyNiveau 1Bonjour, J'envisageais de donner Incendies de Wajdi Mouawad comme lecture cursive en écho à Juste la fin du monde. Mais la pièce de Lagarce date de 1990 et celle de Mouawad de considérer qu'il s'agit bien de deux siècles différents comme l'exigent les programmes ou les examinateurs risquent-ils de pénaliser les élèves vu le peu d'écart qui sépare les deux pièces?Merci de vos avis et bonne fin d'étéJoygregforeverExpert spécialiséLes examinateurs ne sanctionnent pas les choix des professeurs dont ils notent les élèves. Pour moi ce sont deux siècles différents en dépit de la proximité de MaîtreDeux siècles différents et deux oeuvres très fortes !JoyNiveau 1Merci pour vos réponses qui me confortent dans mon 5J'avais donné Incendies en cursive l'an dernier, pas de problème un élève m'a quand même dit "c'est un peu violent, non, mdame ?". En revanche je viens de lire Le Fils, de Florian Zeller, et je vais sans doute basculer là dessus pour cette année j'adore Mouawad, mais ses pièces necessitent quand même un accompagnement... que je crains de ne pas avoir le temps de fournir ! La pièce de Zeller est immediatement compréhensible et très forte 1Merci pour vos réponses. Je suis toujours hésitante et relis Lucrece Borgia espérant que les élèves accrochent. gregforeverExpert spécialisé Joy a écritMerci pour vos réponses. Je suis toujours hésitante et relis Lucrece Borgia espérant que les élèves accrochent. Je l'étudie régulièrement en seconde et ça passe très bien!JoyNiveau 1Ah super, merci gregforever ! Sujets similairesQuelle lecture cursive en parallèle avec Pauline?[Lettres 1re] Lecture cursive du Parti pris des choses quelle évaluation ?Comment travailler une lecture cursive en 1re ? Différence avec une lecture complémentaire ?lecture cursive et LYCEE[1ère S] Lettres persanes en lecture cursive ?Sauter versPermission de ce forumVous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum

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